José BOVÉ Député européen, vice-président de la commission de l’agriculture

José BOVÉ Député européen, vice-président de la commission de l’agriculture

L'Europe doit résister au mirage des gaz de schiste

Pour José Bové, la mobilisation citoyenne ne suffit pas : l'Union européenne doit clarifier sa position et réduire sa dépendance aux énergies fossiles.

> La question du gaz de schiste fera l’objet d’un débat avec José Bové lors du Forum «Quelle énergie !» organisé par Libération les 12 et 13 octobre à Toulouse. Entrée libre, réservez vos places dès maintenant.

L’engouement mondial pour les gaz de schiste a fait émerger une bulle spéculative, basée sur des prix américains artificiellement bas et des réserves mondiales largement surévaluées. En Europe, la Pologne ou les Pays-Bas sont déjà revenus sur les estimations. En attendant l’éclatement de cette bulle, les compagnies pétrolières et leurs alliés nourrissent pour l’Europe un mirage énergétique dangereux.

La fracturation hydraulique, seule à même aujourd’hui de permettre l’extraction des hydrocarbures de roche mère, a su fédérer l’opposition contre elle. Son impact environnemental est majeur : forte consommation d’eau dans les forages, risque de perméabilité des conduites entraînant des fuites de gaz et de produits chimiques dans le sous-sol, risques sismiques, impact sur le paysage, sur la fréquence des transports, contamination des eaux de consommation, risque pour la santé... La liste des nuisances est fort longue. Cerise sur le gâteau, l’extraction du gaz de schiste est en tête des énergies fossiles les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre.

En Europe, l’été 2013 fut orageux sur le front des luttes contre les hydrocarbures de roche mère. Les paysans polonais de Zurawlow au sud-est de la Pologne luttent pied à pied depuis le mois de juin pour protéger leur lieu de vie contre le géant américain Chevron qui cherche à effectuer des tests sismiques. Les nuisances de l’exploration, ils les connaissent. Ils les ont éprouvées quand la compagnie est apparue en 2011 dans leur région. Maisons aux murs dangereusement lézardés, eaux noirâtres impropres à la consommation, paysage saccagé : leur village porte encore les stigmates du passage des camions vibreurs.

Chevron s’est aussi confronté à l’opposition roumaine, quand des milliers de manifestants ont récemment défilé à Bucarest et dans plusieurs autres villes du pays pour protester contre une mine d’extraction d’or et plusieurs concessions de gaz de schiste et défendre leur droit à un environnement sain.

Les habitants mobilisés

En août, dans le West Sussex (Angleterre), des forages exploratoires ont donné lieu à des manifestations violemment réprimées et David Cameron, fervent promoteur des gaz de schiste, fait face à une forte opposition populaire allant au-delà des traditionnelles fractures partisanes.

En France, la loi interdisant le recours à la fracturation hydraulique est menacée par la compagnie texane Schuepbach, ancienne titulaire de deux permis exploratoires dans le sud, qui remet en cause le texte de loi auprès du Conseil constitutionnel. La religion des énergies fossiles et du gaz de schiste a encore des adeptes, au sein même du gouvernement et de la majorité. Dans le Gard comme en Seine-et-Marne, les habitants restent mobilisés contre des projets trop opaques.

Outre ces quelques exemples, des mobilisations se multiplient en Catalogne, Irlande, Allemagne, ou encore en Bulgarie. Nulle terre conquise pour les foreurs en Europe.

Le commissaire à l’Energie, Gunther Oettinger, a récemment exprimé sa volonté de proposer aux Etats-membres «une européanisation des standards» pour encadrer les gaz non conventionnels. Chiche ! L’Union européenne souffre d’une absence de cadre juridique global, tant sur la santé, l’impact environnemental, la concurrence et le droit des entreprises ou encore la concertation des populations. Un rapport du Parlement européen datant déjà de 2011 conclut que «du fait de possibles impacts et risques sur l’environnement et sur la santé humaine de la fracturation hydraulique, doit être envisagée l’élaboration d’une directive pour réguler à l’échelle européenne la totalité des questions relatives à ce domaine».

Il est temps pour l’Union européenne de définir une politique énergétique commune qui garantisse une transition énergétique et une production d’énergie durable pour l’avenir. Dans un contexte de changement climatique, le challenge est de respecter entièrement nos engagements internationaux de réduction de gaz à effet de serre et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles.

Venez débattre des gaz de schiste avec José Bové à l’occasion du Forum «Quelle énergie !» organisé par Libération les 12 et 13 octobre à Toulouse.

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