Exploitation d’hydrocarbures en France: Nicolas Hulot refuse de froisser les entreprises

Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a annoncé ce vendredi 23 juin vouloir interdire "tout nouveau permis d’exploitation d’hydrocarbures en France" d’ici à l’automne. Pas question en revanche de remettre en cause les permis en cours, ni de se mettre à dos les entreprises impliquées…

Placé sous la tutelle d’un président de la République guère connu pour sa fibre écologiste et d’un Premier ministre anciennement lobbyiste pour Areva, Nicolas Hulot cherche à imposer sa voix au sein du nouveau gouvernement. Invité ce vendredi 23 juin sur le plateau de BFMTV, le ministre de la Transition écologique et solidaire a voulu frapper un grand coup. A l’automne, a-t-il annoncé, une loi sera proposée afin « d’interdire tout nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures en France ». L’ancien animateur télé ne veut pas perdre de temps : « Le code minier devra être changé dans un délai très court ».

Nicolas Hulot souhaite en effet plancher dès cet été sur la refonte du code minier afin de préparer l’application de cette nouvelle loi. L’écologiste va-t-il déjà réussir à stopper l’exploitation d’hydrocarbures en France ? Pas si vite…

Pas touche aux permis en cours

Selon les derniers chiffres du ministère de l’Intérieur, 54 permis de recherche actifs et 130 demandes de permis de recherche étaient en cours à la date du 1er juillet 2015. Or, ceux-là, le ministre ne va pas y toucher, comme il l’a confirmé sur BFMTV, car cela « ouvrirait la voie à de nombreux litiges entre l’Etat et les compagnies concernées ». « Ne plus accorder de nouveaux permis, c’est positif, reconnaît pour Marianne Julien Bayou, porte-parole d’Europe-Ecologie-les Verts. Mais il faudrait surtout arrêter de renouveler les permis existants et stopper toutes les exploitations en cours. L’Etat plie devant l’intérêt économique, tout simplement. Si sa priorité était de respecter les engagements de l’Accord de Paris, il aurait toute latitude pour mener des négociations sur ces projets. Mais non, on redoute des litiges donc l’Etat courbe l’échine ».

Si Nicolas Hulot veut se concentrer sur les permis à venir, Juliette Renaud qui suit le dossier au sein des Amis de la Terre, abonde sur le fait que l’urgence concerne bien les projets en cours de validité : « Sur tous les permis en cours, beaucoup arrivent ou vont arriver à échéance et attendent de savoir s’ils seront prolongés. Le vrai enjeu se trouve là, que va faire Nicolas Hulot des permis existants ? ». Juliette Renaud s’alarme d’autant plus que selon les chiffres, de nombreux permis en France concernent des hydrocarbures non-conventionnels : « La loi de 2011 interdit la fracturation hydraulique mais pas l’extraction de gaz de schiste. Quand une entreprise demande un permis, elle affirme bien souvent chercher des hydrocarbures conventionnels. Mais dans les faits, la majorité des permis concerneraient du non-conventionnel ».

Difficile néanmoins d’estimer avec précision la réalité de l’exploration et de l’exploitation minières en France car « depuis décembre 2015, nous n’avons plus accès à aucun chiffre, le ministère de l’Intérieur ne communique plus. Il est très difficile de pouvoir faire un suivi précis sans ces données ». Un manque de transparence que la militante peine à s’expliquer mais « on sait malgré tout que, depuis décembre 2015, certains permis ont bien été prolongés par Ségolène Royal ».

Carte des permis d'exploitation d'hydrocarbures en France, © Les Amis de la Terre

Carte des permis d'exploitation d'hydrocarbures en France, © Les Amis de la Terre

Et l’exploitation des métaux rares ?

Nul ne sait donc quel sort réservera Nicolas Hulot aux permis d’exploitation d’hydrocarbures en cours, mais le ministre a également oublié d’évoquer une autre problématique importante : les permis miniers accordés en vue d’extraire des métaux rares, en Bretagne notamment. Pourtant, comme le rappelle Julien Bayou, « leur nombre va exploser dans les années qui viennent. Nicolas Hulot aurait fait preuve de davantage de courage s’il s’était exprimé sur cette question. »

Quant à la refonte du code minier, clef de voûte du projet législatif défendu par Nicolas Hulot, « elle est envisagée depuis plus de quatre ans, rappelle le porte-parole d’EELV, le dossier est prêt, on pourrait effectivement modifier le code minier très rapidement, c’est vrai. Cela pourrait même déjà être fait mais Emmanuel Macron, lorsqu’il était ministre de l’Economie, s’y est opposé durant tout son mandat ». L’actuel président de la République a pourtant répété à l’envi son intention de développer des « mines responsables » grâce à la refonte du code minier.

Face à Emmanuel Macron, Juliette Renaud n’attend pas forcément beaucoup de Nicolas Hulot : « S’il arrive déjà à respecter cette promesse, ce sera déjà pas mal ». Julien Bayou lui, se montre encore moins optimiste - et plus impatient : « Nicolas Hulot avait souvent l’habitude de dire que si l’ambition écologique n’était pas partagée à Matignon et à l’Elysée, un ministre de l’Environnement ne pouvait pas faire grand-chose. On peut dire qu’il vérifie lui-même l’adage en ce moment..."

 

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