Rapport du GIEC: Les émissions de gaz à effet de serre augmentent à un rythme sans précédent

20 000 études et projections scientifiques par plus de 800 chercheurs. Voilà la somme que représente le cinquième rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) qui vient d'êtreintégralement achevé et s'avère bien plus alarmant que la précédente édition, en 2007.

 Les émissions de gaz à effet de serre augmentent à un rythme sans précédent, affirme le rapport du GIEC publié le 13 avril. L’urgence est telle que l’Onu pointe la responsabilité de l’industrie pétrolière et gazière. L’ancien prix Nobel de la Paix, l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, appelle même à boycotter les industries fossiles, en s’inspirant du boycott contre l’Apartheid. Des fonds d’investissement commencent à se retirer des compagnies pétrolières, sur fond de mobilisations aux États-Unis contre la construction de pipelines ou en Europe contre l’exploitation des hydrocarbures de schiste. La France suivra t-elle le mouvement ?

Le constat dressé par les deux derniers rapports récemment publiés [1] par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sont sans appel. Les émissions de gaz à effet de serre croissent plus vite que jamais – 2,2 % par an entre 2000 et 2012 contre 0,4 % par an sur les trois décennies précédentes – atteignant des niveaux sans précédent et faisant craindre de dépasser le seuil des 2 °C dès 2030. Par ailleurs, les effets du réchauffement climatique et des catastrophes qu’il provoque (cyclones, pluies diluviennes, sécheresses...) vont s’aggraver fortement au 21ème siècle, et ce dans toutes les régions du monde. Elles ont pour noms : insécurité alimentaire, pressions sur l’accès à l’eau, conflits, populations déplacées ou problèmes sanitaires.

Ces rapports sont tellement alarmants qu’ils ont poussé Christiana Figueres, la responsable « climat » de l’Onu, à sortir de sa réserve diplomatique habituelle, pour pointer du doigt la responsabilité de l’industrie pétrolière, gazière et charbonnière :« Le temps de l’expérimentation et des changements marginaux est terminé » a-t-elle affirmé demandant à ce que « les trois quarts des réserves de combustibles fossiles restent dans le sol », le reste ne devant « être utilisé qu’avec parcimonie et de façon responsable ». De fait, l’humanité a déjà utilisé plus de la moitié du budget carbone disponible pour rester en deçà des 2°C de réchauffement climatique global.

90 entreprises principalement responsables

Christiana Figueres a donc décidé d’interpeler directement ceux qui peuvent être jugés comme les principaux responsables du réchauffement. De fait, selon une étude récemment publiée par la revue Climatic Change (voir notre article), 90 entreprises sont, à elles seules, responsables des deux-tiers des émissions de gaz à effets de serre relâchées dans l’atmosphère depuis 1854 – parmi ces entreprises, on compte bien sûr la quasi totalité du secteur de l’extraction des énergies fossiles (les « Big Oil »).

Face à un tel constat, Bill McKibben, le fondateur de l’ONG 350.org, et Naomi Klein, entre autres, considèrent comme indispensable de pointer les responsabilités, et de nommer les acteurs qui font partie du problème, plutôt que d’entretenir le mythe d’une communauté d’intérêt et de destin qui abolirait les catégories de responsables et de victimes. Pour le dire autrement, si nous sommes entrés dans l’anthropocène (voir notre enquête), nous ne sommes pas tous coupables. Le secteur de l’énergie fossile, cette « industrie voyou » (rogue industry), selon Bill McKibben, est perçue comme « l’ennemi numéro un de la survie de notre civilisation » et doit être mise à l’index.

« Nommer l’adversaire »

Dans cette optique, « nommer l’adversaire » est crucial pour comprendre ce qui fait obstacle à une transition énergétique réelle et ambitieuse. Une fois l’adversaire identifié, il devient en effet possible d’élaborer des stratégies et de mettre en place les politiques alternatives adéquates. C’est ainsi que sont justifiées des pratiques de désobéissance civile de masse récemment organisées aux États-Unis, devant la Maison-Blanche et sur les sites de construction des pipelines et infrastructures, pour bloquer l’exportation du pétrole issus des sables bitumineux du Canada. Ce que Naomi Klein a dénommé « une stratégie pour étrangler les sables bitumineux de l’extérieur ».

Une stratégie et des pratiques qui ont également pris pied en Europe. A travers des occupations de terrain sur lesquels lorgnent les industriels gaziers ou en bloquant l’arrivée des camions nécessaires aux travaux d’installation et de forage, les mobilisations contre l’exploitation des hydrocarbures de schiste en Pologne, en Roumanie, au Royaume-Uni se situent clairement dans la même dynamique. Autre exemple, le mouvement « No Dash For Gas » (Pas de ruée sur le gaz) a occupé une semaine durant, fin 2012, deux cheminées de la central au gaz d’EDF à West Burton. L’objectif ? Stopper la production d’électricité pour dénoncer la construction de 40 nouvelles centrales au gaz, sous peine d’un « changement climatique irréversible ».

« Des entreprises qui minent notre avenir »

A travers la campagne Do the math [2], Bill McKibben et le mouvement 350.org contribuent également à amplifier un processus de désinvestissement significatif dans le secteur des énergies fossiles. La logique est simple : s’il faut préserver la stabilité du climat, alors il ne faut pas tirer profit de sa destruction. Des universités, mais également des fonds de pension et d’investissement se retirent des compagnies d’énergies fossiles, jugées trop dépendantes de réserves qu’il ne faudrait pas extraire.

Ce processus de désinvestissement vient de recevoir un soutien de choix en la personne de Desmond Tutu. Cet archevêque sud-africain et prix Nobel de la Paix (1984) vient d’appeler à organiser un boycott des industries fossiles s’inspirant de celui contre l’apartheid. Il préconise de « rompre les liens avec les sociétés qui financent l’injustice que constituent les dérèglements climatiques », considérant que« cela n’a pas de sens d’investir dans des entreprises qui minent notre avenir ».

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